Le mystère attise la curiosité autant que le rejet à tel titre que les populations stigmatisées ont subi au cours des siècles la méfiance, la haine, la violence mais parfois aussi, la fascination.
L’histoire et son prisme parfois déformant ne permettent pas toujours de situer dans le temps les origines de telle ou telle communauté, altérant toute humanité envers elles.
Certaines communautés ont disparues en étant assimilées aux populations locales des contrées traversées, ne laissant que peu de traces de leurs particularismes. D’autres, en dépit des contraintes se sont imparfaitement intégrées en préservant leurs différences, et c’est bien cela qui leur est reproché.
Les membres de la communauté Rrom - le terme générique et officiel donné, lors du premier Congrès mondial Tsigane en 1971, à divers groupes ayant pour origine commune le Nord-Ouest de l’Inde – représentent des groupes en réalité très disparates, pour preuve les noms qu’ils se sont donnés, ou qui leur ont été donnés à travers les âges : Romanichels, Bohémiens, Manouches, Gitans, Roms …
Après un long périple passant par la Perse, l’Arménie, le Péloponnèse, l’Empire Byzantin et l'Europe centrale, leur présence en France est signalée dès le 15ème siècle. Dans les chroniques de l’époque, ils sont décrits comme des dresseurs d’ours utilisant une langue inconnue, en fait un jargon enrichi des langues des pays traversés dans lesquels ils ont plus ou moins longtemps résidés.
Lors de leur arrivée en France, ces voyageurs suscitent la curiosité et la fascination. La méfiance viendra plus tard.
Leurs spectacles de danse ou de dressage sur les places des villages ou lors des foires, leurs tenues, notamment celles des femmes aux robes de couleurs chatoyantes et aux oreilles desquelles pendent des boucles d’oreilles, et leur revendication assumée d’être de bons pèlerins leur attirent la sympathie des villageois et parfois, pour les plus pauvres, la compassion.
Puis, des accusations furent portées contre les enfants, habiles à voler les spectateurs ou les passants. Ensuite, l’Église s’en mêla car la pratique de « la bonne aventure » (la chiromancie) lui faisait de l’ombre. Elle leur dénia d’ailleurs toute foi chrétienne.
Ce rejet imposa aux voyageurs de reprendre la route, ce nomadisme si souvent perçu comme une preuve d’insoumission au contrôle du monarque et des autorités locales, jusqu’à ce que le vagabondage soit criminalisé par des lois répressives, une pratique étendue à toute l’Europe.
La littérature a fait d’Esmeralda une enfant enlevée par les Bohémiens, faisant oublier ses charmes lorsqu’elle courrait entre les tours de Notre-Dame. Tout cela, pour alimenter et noircir un peu plus les fantasmes et les accusations souvent dépourvues de sens.
Olivier BLOCHET
Le 11 avril 2019
© Droits réservés – Olivier Blochet - avril 2019