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6 avril 2015 1 06 /04 /avril /2015 08:24

L’histoire européenne fait état de nombreux groupes nomades depuis le 11e siècle en Suisse, et en Allemagne dès le 13e siècle. L’expression fahrendes Volk (peuple errant) était d’ailleurs utilisée dans le langage administratif dès le moyen âge. Toutes ces communautés ont un point commun à savoir qu’elles ont été marginalisées par les violences, la pauvreté et le bannissement. Chacune d’entre elles a développé une culture et un langage propre au cours de ses transhumances en assimilant des influences extérieures provenant des contrées traversées.

Les Yéniches font partie de l’un de ces groupes nomades. Souvent assimilés à tort aux Roms, les Yéniches sont probablement le résultat d’une série de mélanges consécutifs à la guerre de Trente ans, entre des déserteurs appauvris et un groupe d’émigrés suisse du Canton de Berne. Au fil des générations et de leurs itinéraires, ces groupes se sont alliés et ont accueilli en leur sein tous les déshérités, les proscrits, les orphelins. Des groupes de commerçants itinérants juifs ont certainement été également intégrés, pour preuve les hébraïsmes de la langue Yéniche et l’existence de similitude dans les noms des deux communautés. C’est probablement la raison pour laquelle les Yéniches en s’installant dans l’espace germanophone ont choisi une seule et même religion, le catholicisme, alors qu’à l’origine les émigrés suisses étaient de protestants (luthériens).

On voit bien la difficulté à cerner les origines d’une communauté faites d’ajouts de populations marginalisées.

Parfois nommés les Tziganes blonds en raison de leurs yeux verts ou bleus, ils refusent d’être assimilés aux Tziganes (Manouches, Gitans, Sinti, et Roms), aux seuls motifs de leur vie nomade commune en marge des sociétés sédentaires et de leur exercice, par la force des choses, des mêmes petits métiers (vanniers, rémouleurs, étameurs). Ils sont de souche européenne, ils revendiquent d’ailleurs une descendance celte, alors que les Tziganes viennent du nord de l’Inde.

Le sort peu envieux réservé aux Tziganes et aux Roms ne les pousse d’ailleurs pas vers l’acceptation d’une telle assimilation.

Le poids de l’histoire demeure très douloureux.

Dès le 18e siècle, les gouvernements européens ont persécuté les groupes nomades considérés comme incontrôlables.

Ensuite, bien que les théoriciens nazis n’apparentaient pas les Yéniches aux Tziganes et aux Roms, ils les considérèrent comme des asociaux et les déportèrent dans les camps de concentration. D’autres furent envoyés dans des stalags pour être employés à des travaux de construction ou de rénovation de routes et de voies ferrées. Très peu d’entre eux y survécurent !

De 1926 à 1973, ils vécurent une nouvelle épreuve douloureuse alors que la fondation Pro Juventus enlevait les enfants à leurs parents pour les acculturer dans le cadre d’une opération dénommée « Enfants de la grande route ».

Il faudra attendre 1987 pour que la Confédération présente des excuses officielles envers le peuple Yéniche et le reconnaisse comme une minorité nationale. La Suisse est d’ailleurs le seul pays à l’avoir officiellement reconnu comme minorité nationale.

Aujourd’hui, environ 200 000 Yéniches vivent en Allemagne, dont 120 000 en Bavière, Rhénanie du Nord et Bade-Wurtemberg. La vie moderne a eu raison de leur nomadisme et moins de 30 000 Yéniches sont des voyageurs permanents. La Suisse compte plus de 50 000 Yéniches dont moins de 10 % ont conservé une vie nomade. Les Yéniches sont également installés en Autriche, en Hongrie, en Biélorussie, en Belgique, au Luxembourg, dans les Pays-Bas et en France (en Alsace notamment), dans des proportions moindres.

Les familles Yéniches qui ont souhaité poursuivre une vie semi-nomade voyagent une partie de l’année (comme les Tziganes français), permettant durant la période hivernale la scolarisation de leurs enfants. Ces familles vivent toujours dans une organisation clanique matriarcale, à la différence des Manouches et des Gitans qui ont adopté une structure patriarcale. Il s’agit de familles comprenant souvent une vingtaine de personnes se déplaçant en caravanes dont le nombre n’excède jamais le nombre de 8.

Ils exercent toujours leurs métiers traditionnels de forains, colporteurs, vanniers, rémouleurs, etc.

Ce mode de vie nomade ou semi-sédentaire est mal accepté par les populations sédentaires. Tout comme pour les Manouches en France, les terrains ancestraux sur lesquels ils pouvaient se stationner disparaissent, le non-accueil et le rejet s’aggravent, symboles d’une stigmatisation dont toutes les populations nomades sont victimes.

La situation s’est aggravée lorsque les frontières des pays européens se sont ouvertes aux ressortissants de pays nouvellement membres. Le flux migratoire de populations Roms fuyant la paupérisation et la précarisation des conditions de vie dans leurs pays d’origine, principalement la Roumanie et la Bulgarie, ne respectant pas certaines règles de vie a opacifié un peu plus les relations entre les Yéniches avec les citoyens sédentaires, malgré leurs relations historiques.

Traiter les Yéniches d’étrangers dans les pays germaniques (Suisse et Allemagne) ou dans l’est de la France, participe de la stigmatisation alors que, ce sont le plus souvent des citoyens à part entière.

Depuis 1998, les Yéniches, ces gens du voyage du cœur de l'Europe, sont protégés par la Convention du Conseil de l’Europe sur les minorités nationales.

Olivier BLOCHET

Le 06 avril 2015

 

© Droits réservés – Olivier Blochet - avril 2015 

 

Parution de :

LA ROUTE DES YÉNICHES

 

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LA ROUTE DES YÉNICHES - Olivier BLOCHET

Éditions La Comoé - Janvier 2020 - 90 pages avec illustrations -

ISBN 9782955309773 - 9,20 euros 

 

Commande en joignant un chèque de 10 € ( 9,20 € + 0,80 € de participation aux frais d'envoi ) auprès de l'auteur : Olivier Blochet - 8 rue Principale 79290 Brion Près Thouet

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